Conclusions et recommandations de l’atelier pour les autorités administratives et judiciaires sur l’esclavage par ascendance au Mali (Bamako, juillet 2021)

En juillet dernier, à Bamako, un atelier EMiFo a réuni des autorités administratives et judiciaires de la région de Kayes, de Koulikoro et de Ménaka autour de la problématique de l’esclavage par ascendance. Les interventions et les discussions ont été riches et ont permis d’élaborer plusieurs recommandations. Celles-ci prennent en compte la complexité et les multiples dimensions du phénomène et préconisent des actions dans les domaines législatifs, politiques, administratifs, socio-économiques et éducatifs. Ces recommandations ont été réunies dans un rapport déposé auprès des Ministères maliens de la justice et de l’administration territoriale.

Voici l’ensemble de ces recommandations :

  1. Sur le plan juridique et législatif, les participants ont affirmé la nécessité de l’adoption d’une loi spécifique définissant et criminalisant l’esclavage et les pratiques assimilés au Mali. Une telle législation est absolument nécessaire pour que les magistrats puissent réellement agir en matière pénale face à l’esclavage par ascendance : en l’état actuel des lois, ils ne peuvent que condamner les délits et crimes qui accompagnent la pratique.
  2. Est recommandé également la création d’un cadre de concertation entre les autorités administratives et judiciaires ainsi que la promotion de la collaboration entre les OSC et les structures nationales dans la lutte contre l’esclavage au Mali.
  3. Sur le plan politique, l’Etat malien se doit de condamner fermement toutes pratiques esclavagistes et assimilables.
  4. Une promotion accrue des droits humains, de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations au Mali par des programmes nationaux éducatifs et de sensibilisations est également souhaitable.
  5. L’Etat doit s’engager à créer un Observatoire National et Régional de la lutte contre l’esclavage au Mali.
  6. Le volet consacré à la formation de tous les acteurs est également crucial pour éliminer la pratique de l’esclavage dans les faits. Une formation spécifique doit être apportée aux autorités publiques, locales, religieuses et coutumières sur l’ensemble du territoire malien ; les OSC, les auxiliaires de justice et les parajuristes doivent également être davantage formés et soutenus dans la lutte contre l’esclavage par ascendance.
  7. La recherche – action pour l’éradication de l’esclavage par ascendance est aussi à promouvoir.
  8. En lien avec le volet formation, l’éducation, l’information, et la sensibilisation sur la problématique de l’esclavage par ascendance au sein de la société civile, la diffusion de sketchs et de films documentaires dans les médias sur les séquelles de l’esclavage au Mali sont un des moyens à privilégier.
  9. Il faut favoriser la réconciliation entre les victimes de l’esclavage par ascendance et les personnes considérées localement comme « nobles », en assurant le dialogue entre les communautés, par exemple par la médiation, dans laquelle il faut impliquer la diaspora et les représentations diplomatiques.
  10. Sur le plan matériel et socio-économique, il faut préconiser un accompagnement psychologique et financier des victimes avec la création d’un fond d’assistance aux victimes de l’esclavage au Mali.
  11. Il faut également favoriser les conditions permettant l’indépendance des victimes, notamment en favorisant leur accès à la propriété foncière.
  12. Le retour des victimes dans leurs localités respectives est souhaitable, à la suite du règlement des conflits à la fois par la médiation et par la voie juridique si nécessaire.

Au cours de l’atelier a émergé un consensus sur l’importance de la lutte contre l’esclavage par ascendance, en particulier dans l’objectif de maintenir paix et stabilité dans la région de Kayes, encore relativement épargnée par les conflits violents qui s’étendent au Mali. La lutte contre l’esclavage ne peut se faire uniquement par le volet répressif, mais doit reposer sur un changement profond des mentalités et l’apport d’un soutien socio-économique aux victimes de ces pratiques.


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