La nouvelle détermination des autorités judiciaires dans la lutte contre l’esclavage par ascendance au Mali

Face à l’absence d’une loi spécifique criminalisant l’esclavage par ascendance au Mali, les autorités judiciaires sont confrontées à des difficultés pour catégoriser ce délit basé sur le Code Pénal en la matière. Pour pallier ces difficultés en attendant le vote d’une loi spécifique, le Ministre de la justice, Mahamadou Kassogué, a pris un arrêté ministériel (n°0000863 du 11 novembre 2021) relatif à la gestion des affaires en lien avec l’esclavage par ascendance . Ceci n’est pas un hasard mais plutôt le fruit du travail de plaidoyer et d’information entrepris entre autres par le programme EMiFo et les autres acteurs du secteur, notamment à travers sa formation à l’endroit du personnel judiciaire et administratif sur l’esclavage par ascendance tenue du 28 juin au 3 juillet 2021 au Laboratoire d’Étude et de Recherche en Droit, Décentralisation et Développement Local (LERDDL) . Ainsi dans une discussion avec lse Brand Kehris, Sous-secrétaire Générale de l’ONU aux droits de l’homme, le Ministre Kassogué a notamment évoqué le programme de formation aux magistrats sur l’esclavage par ascendance .

Notre programme a en effet beaucoup contribué à la formation et à la sensibilisation des magistrats sur la problématique de l’esclavage par ascendance dans leurs localités respectives au Mali et partout ailleurs. Cette formation a permis de mieux outiller  les magistrats dans l’application des instruments juridiques internationaux et régionaux pour l’éradication des discriminations et des violences liées à la pratique de l’esclavage par ascendance. Le Ministre a ainsi rappelé dans cet arrêté les instructions déjà données dans la lettre N°0057/MJDH-SG du 17 décembre 2019 « de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue d’engager des poursuites pénales contre toutes personnes impliquées dans des actes en lien avec le phénomène et d’envisager l’éventualité d’une délocalisation de certaines affaires pour garantir l’efficacité des procédures ». Il a également invité les Procureurs de la République à une lutte implacable contre l’injustice et l’impunité en matière de violations graves des droits de l’homme notamment la pratique de l’esclavage par ascendance dans l’ouest du Mali . 

Cet arrêté ministériel du 11 novembre 2021 permet aux magistrats de réprimer efficacement les pratiques de l’esclavage par ascendance au Mali. En effet, depuis 2020, les victimes font l’objet de graves violations de leurs droits et libertés fondamentales reconnues et garanties par la Constitution du 25 février 1992. Ainsi, l’article 2 de la Constitution malienne dispose que : « Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée ».

Par ailleurs, l’Organisation des Nations Unies (ONU/ Sous-secrétaire générale aux droits de l’homme) a condamné la pratique de l’esclavage par ascendance et invité les autorités maliennes à une implication inclusive des communautés à travers les leaders (religieux et coutumiers) dans le processus de l’adoption d’une loi criminalisant cette pratique .

Il semble donc que l’Etat malien prenne enfin ses responsabilités en termes de lutte contre l’esclavage par ascendance en assurant l’application effective non seulement de la Constitution mais aussi du Code Pénal avant l’adoption d’une loi criminalisant l’esclavage par ascendance au Mali. 


Fousseini DIABATE (Bamako, le 09 décembre 2021)

One Comment

  1. Macire Kamissoko-Reply
    17/12/2021 at 22:16

    Bonsoir, très intéressant article visant l’égalité de tous natifs maliens devant la loi dans notre société. Aussi, l’instauration d’un des droits fondamentaux, sitipulé par l’article 2 de la constitution en vigueur (25 février 1992).
    Voir d’autre part, il est bon de conserver certaines pratiques à valeurs ancestrales de la société pour la pérennité de son histoire. Par ce effet, il serait judicieux pour le respect de vivre ensemble, dans un climat de paix et de fraternité ancestrale (cousinage et bon voisinage) d’enfreindre les violences physiques entachées à la matière tout en conservant la culture morale que nous a laissée nos ancêtres en guise l’harmonisation des droits et devoirs des uns vis à vis des autres et l’instauration de la bonne gouvernance.
    In fine, je conseillerais les législateurs maliens de prendre en compte certaines de nos valeurs ancestrales lors d’élaboration de nos législations en guise d’harmoniser le rapport entre les éléments du droit qui constituent notre société (sujet et objet).

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